Abnousse Shalmani – Khomeiny, Sade et moi – Grasset

1507-1Une rencontre télévisuelle peut devenir une formidable histoire d’amour. Oui, je suis tombée en amour avec cette merveilleuse écrivaine et pamphlétaire française d’origine iranienne, aussi belle qu’intelligente, drôle, pétillante et mordante. J’ai ri, j’ai grincé des dents, j’ai eu la chair de poule, des papillons dans le ventre, bref, ressenti ses mots avec une passion grandissante à chaque page. Alors aujourd’hui dans cette petite chronique je me permets de te tutoyer ma soeur en humanité, ma belle amie en athéisme. Si tu savais comme tes mots m’ont fait du bien.

Abnousse Shalmani, comme Marjane Satrapi n’a ni la langue dans sa poche, ni le coeur en terreur. Dès son enfance, dans sa confrontation avec les barbus qui ont pris le pouvoir en Iran, elle pose des questions, elle refuse les diktat, elle montre son caractère et son cul à la bigoterie crasse qui a transformé les imbéciles en hystérique de la foi et les masses en moutons craintifs. Bien sûr un caractère aussi bien trempé ne peut grandir et se développer seul contre tous. Comme la petite Marjane, la petite Abnousse a autour d’elle des êtres qui chérissent la liberté et tentent avec un sourire en coin ou un poème de lui enseigner la beauté du monde quand il est libre et respectueux de chacun.

Mais on ne lutte pas contre l’obscurantisme de front, il faut parfois partir pour trouver un refuge où vivre sa liberté même au prix de gros sacrifices. La famille de la petite fille abandonne, comme souvent, tout derrière elle, pour vivre chichement dans la capitale des Lumières, mais en n’oubliant jamais l’ensauvagement magnifique qu’offre le savoir. Malheureusement, la patrie des droits de l’Homme a aussi mal à sa République, mal à ses valeurs de laïcité et de liberté. Des barbus, des corbeaux attendaient leur heure depuis longtemps et s’agitent dans l’ombre pour gagner la lumière et imposer leurs restrictions à la liberté, fatiguer le corps social pour le laisser pantelant et fragile.

Contre ces ombres grimaçantes, la jeune Abnousse se dresse chaque jour, elle trouve dans les livres, dans l’affection paternelle, dans son élégance et sa féminité les armes pour rester en plein soleil et offrir chaque jour au monde la force de son engagement. C’est si dur pourtant de lutter contre les coeurs faibles et les esprits pusillanimes, c’est dur et de grandir et de voir les idéaux des vingt ans s’abimer dans la confrontation au réel et la soumission à des diktats d’un autre âge. C’est dur de se dresser chaque jour sur les épaules de géants pour continuer le combat et de se voir harcelée par les corbeaux, les barbus et les petits esprits.

Alors parfois le silence se fait, parce que le verbe est devenu une arme dévastatrice. La page blanche devient un refuge, le lieu pour poursuivre le combat. Les signes posés les uns après les autres forment des phrases, des idées, des combats. Comme son cher Sade et tous ceux qui ont pris le livre comme on prend le maquis, Abnousse écrit sa colère, son combat, son refus de voir sa République se fracasser sur le communautarisme. Elle en appelle à notre intelligence, « français, citoyens, encore un effort pour être républicains » pour nous rappeler que la préservation des droits des femmes, leur liberté, leur beauté offerte au monde sont les seuls garants de nos liberté.

Chère Abnousse, je tremble encore de cette merveilleuse lecture, je me sens forte de mon athéisme et plus républicaine que jamais, plus féministe, plus engagée. Oui, je suis en amour et je te dois cet état délicieux. Un grand merci à toi belle amie.

3 réflexions sur “Abnousse Shalmani – Khomeiny, Sade et moi – Grasset

  1. J’ai ressenti exactement la même chose à la lecture de ce merveilleux livre et je partage entièrement cet enthousiasme ! J’espère avoir été aussi convaincante sur mon propre blog. Un livre à lire et à faire lire absolument. Bravo pour ce très beau billet !

  2. L’Iran à travers l’exemple que nous fournit Abnousse Shalmani (cf son livre) :
    d’accord mais elle enfonce une porte ouverte de l’Histoire.

    Atatürk a interdit la religion jusqu’au soufisme en interdisant les derviches tourneurs de Konya; l’inévitable religion, qui existe partout sur cette planète, avait été élaborée en soufisme… « Haute Tolérance », dans ces régions-là et il a fallu un tyran pour tout recommencer.
    Il faudra que sept tyrans se succèdent, s’aggravent et s’épuisent – m’a dit la vieille femme – pour qu’un certain « vivre ensemble au quotidien » pour parodier le langage actuel, et qu’on appelle aussi « bonheur terrestre », s’installe…
    Or la roue tourne et il viendra d’autres générations ambitieuses mais stupides, qui auront oublié, et fait table rase du passé. Après le Shah, Khomeyni. Il semble que deux tyrans soient passés… Patience et lucidité, courage et tolérance : l’expérience déjà aux temps antiques (cf les historiens latins) a montré qu’il fallait compter sept tyrans en moyenne avant le bonheur terrestre… transitoire mais possible.

    Ah les gens, les gens…

    Alain Gautier. (Un homme français)
    ce que vous venez de lire est un petit billet que j’ai mis sur mon journal facebook et que je soumets ici; il faudrait que mon intégration aux commentaires que je vois soit plus radicale : j’ai tout aimé dans ce livre, je n’ai pas vu les court-métrages où apparaît déjà l’auteure ou son oeuvre, j’ai découvert Abnousse Shalmani à une émission littéraire de JP El Kabach sur la chaîne parlementaire (lcp). J’ai d’abord été saisi par sa beauté sans l’entendre car j’ai pris l’émission en route; mais ses interventions, sa lecture de fin ont été une révélation. Ceci donne confiance (plus que mon billet).
    Respect. Vous êtes née sous une bonne étoile et normalement vous devez marquer votre génération d’écrivains. Vous dites aimer surtout les écrivains « morts »: les classiques. Je découvre Ninon de Lenclos et la littérature libertine par vous. Sade, un dernier mot : vous en parlez bien : délinquant sexuel mais il est pour vous et devrait être pour nous le divin marquis que les critiques ont quand même célébré, son nom propre a donné naissance à un nom commun… mais qu’entendent les gens sous ce vocable (le sadisme) pas du tout ce que vous en dites merveilleusement bien et qui fait suite à votre propre rébellion depuis la petite fille de six ans que vous fûtes, au fil du temps traversée par une révolution, une guerre, un exil.

    Une question, Mademoiselle : avez-vous lu Gurdjieff ? Si cette question est hors sujet, que les modérateurs la suppriment

  3. Que serait, mademoiselle, le shalmanisme pour le cas où votre oeuvre complet aurait porté votre nom à la célébrité un jour prochain ?

    (Savez-vous comment correspondre avec Abnousse Shalmani éventuellement, par Grasset & Fasquelle, son éditeur ?)

    Je profite de ce deuxième commentaire pour faire une remarque incidente à Adèle; voyez, mes « soeurs » (comme « frères » : attention à toute langue liturgique) en MLF ( Mouvement de libération des femmes) et autres assentiments révolutionnaires ou progressistes, le chemin parcouru en Europe depuis les temps antiques, les nôtres, européens, dans les écrits latins de Valère-Maxime (historien latin du premier siècle), Actes et Paroles Mémorables, Livre sixième, chapitre premier,
    « De la pudeur. Exemples romains :
    […]
    4. Et P. Maenius, quel sévère gardien de la pudeur ! Il punit de mort un de ses affranchis qu’il aimait pourtant beaucoup, ayant eu connaissance qu’il avait donné un baiser à sa fille déjà nubile; on pouvait croire cependant que cette faute avait pour cause moins une passion coupable qu’une simple erreur. Mais il jugea qu’il importait d’imprimer, par la rigueur du châtiment, dans le coeur encore tendre de sa fille les principes de la pudeur : par une punition si sévère il lui apprit à conserver purs et intacts pour un époux, je ne dis pas seulement sa virginité, mais même ses baisers. »
    […]

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