William Marx – La haine de la littérature _ éditions de Minuit

« Ils l’ont attaquée, conspuée, condamnée, sous tous les prétextes, sous tous les régimes, avec les meilleures ou les pires intentions, pour de mauvaises raisons et parfois même pour de bonnes. Ils ont exilé les poètes, brûlé leurs livres – ou en ont simplement formulé le souhait. Voilà 2500 ans que la littérature est sujette à toutes les critiques et toutes les accusations de la part de philosophes et de théologiens, de prêtres et de pédagogues, de scientifiques et de sociologues, de rois, d’empereurs et même de présidents.
De Platon à Nicolas Sarkozy, ce livre fournit toutes les pièces de ce procès ahurissant, fait le portrait d’une incroyable galerie de grotesques et de ridicules, et retrace à sa manière une autre histoire de la littérature occidentale depuis les origines, pleine de bruit et de fureur, de bêtise, d’hypocrisie et d’ignorance, avec ses querelles et ses combats, ses défaites et ses triomphes, ses stratèges, ses traîtres et ses héros.
Avec la haine de la littérature se révèle la face cachée de l’histoire de la littérature – celle qui lui donne peut-être son sens véritable. »

J’ai lu avec intérêt l’essai de Marx et j’adorerais dire que j’ai adhéré à son propos, à ses multiples exemples, à son humour parfois ravageur, mais voilà, ce qu’on veut et ce qu’on ressent ne vont pas toujours de paire.

Je n’ai jamais senti, et surtout pas dans mes études d’Histoire, cette haine dont il est question dans l’essai. Oui Platon détestait les poètes, mais il n’en reste pas moins qu’Homère est avec l’épopée de Gilgamesh la base de la pensée, de l’Histoire, de la mythologie, peut être même de la philosophie dans une part non négligeable du monde. Rousseau n’aimait pas La Fontaine, qu’importe, la réalité est que nos princes, rois, reines et autres étaient bercés par les romans de la Table Ronde et par la poésie de Ronsard ou des troubadours.

Sarko n’aime pas le Princesse de Clèves, mais Mitterrand avait un savoir littéraire encyclopédique et Barack Obama a fait la promo de ses auteurs favoris leur offrant une couverture médiatique sans précédent.

Donc s’il y a des gens qui haissent la littérature, celles et ceux qui l’aiment et en font la promotion sont beaucoup plus nombreux. Toutes les sciences humaines aujourd’hui le savent. Si vous voulez avoir une idée de ce qui se passe en Israël loin des clichés médiatiques, il suffit de lire ses écrivains. Idem pour l’Inde, le Libéria, la Nouvelle Zélande, l’Afrique du Sud et tant d’autres. Maylis de Kérangal a fait plus en quelques centaines de pages pour la connaissance de notre paysage nucléaire que tous les reportages sur le sujet. Les femmes n’ont jamais eu autant de puissance et de place qu’en s’emparant du médium littéraire. Le monde a changé lorsqu’un certain Gutemberg a trouvé un moyen technique pour imprimer les textes et les sortir des mains des copistes. Dans l’Egypte impériale la caste de scribes était particulièrement importante et pas seulement pour écrire des listes de courses. Les scientifiques auraient haï la littérature? Le siècle des Lumières est plein de ces échanges épistolaires dans lesquels science et littérature font un mariage plus qu’heureux.

Bref, le propos du professeur Marx m’a semblé le plus souvent outrancier et basé sur quelques exemples, soigneusement choisi. Mais de la même façon qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, un pauvre haineux ne fait pas de notre belle Littérature une victime expiatoire….

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