Luiz Alfredo Garcia-Roza _ le silence de la pluie – Actes Sud

garcia rozaToujours amusant de commencer un polar par la solution de l’énigme. Il faut du style et de la maîtrise pour mettre ainsi le lecteur dans la position de la force immanente, celui qui sait, sans craindre de la perdre en route, de la lasser ou de rendre l’intrigue plus faible. Ce choix est sans doute autant un petit caprice d’écrivain, qu’une gâterie de psychanalyste. Après ce premier coup de théâtre, l’auteur se fond, pour ne pas dire s’efface derrière son inspecteur, héros récurrent de son œuvre (non encore traduite en français), qui va se lancer sur les traces du mystérieux assassin fantôme. Il faut reconnaitre à Luiz Alfredo Garcia-Roza, une belle capacité à tenir son lecteur en haleine. On se glisse aisément dans les pas du détective Espinoza et on suit avec plaisir la progression de sa compréhension de la situation.

Notre policier, quarantenaire élégante et courtoise, amateur d’art et de littérature est un ovni dans l’univers de la police de Rio. Il se meut avec l’aisance des hommes courtois et l’étrangeté des êtres différents dans un univers où la violence est reine. Ses qualités lui permettent de sonder plus aisément le cœur et les reins de témoins et des suspects. Pourtant il faut reconnaitre qu’avec cette étrange affaire de meurtre, notre disciple de la philosophie spinoziste se heurte à de nombreux mystères. L’absence d’arme du crime ne facilite pas le travail, tous comme les preuves du vol dont personne ne sait dire s’il est le mobile ou une fausse piste. L’entourage de la victime, issu de la bonne bourgeoisie et des affairistes de Rio ne donne guère plus d’indice à notre sage inspecteur.

Confronté à une épouse sublime et sympathique malgré son évident manque de passion pour son époux, à une secrétaire éprise autant de son patron que du pouvoir qu’il représente, d’un professeur falot et d’une professeure de gymnastique au caractère flamboyant, l’inspecteur Espinoza doit parvenir à séparer les passions et les incohérences, les demies vérités et les mensonges évidents. De fausses pistes en cadavres atrocement mutilés, les pièces du puzzle finissent par se mettre lentement en place et par révéler la part d’ombre là où personne ne l’attendait.

Polar subtile et rythmé, le silence de la pluie, nous offre un voyage dans l’ombre des cœurs fragiles de ceux et celles qui vivent dans les limbes. Offrant un tableau beaucoup plus complexe de la réalité humaine qu’un polar classique, il se distingue également par la qualité de l’inspecteur loin de stéréotypes nord-américain du genre.

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