Laurent Mauvignier – Des hommes – les éditions de minuit – Prix des Libraires

http://bibliobs.nouvelobs.com/20100324/18468/laurent-mauvignier-prix-des-libraires. Le second prix pour ce roman qui avait déjà reçu les honneurs du prestigio prix Virilo

Il y a des livres que vous savez d’instinct ne pas devoir, pouvoir lire. Et puis la critique est si dithyrambique, mauvignierenthousiaste  que finalement vous vous laissez séduire par le pitch, par la passion des critiques. Le résultat a été à la hauteur de ma première inquiétude, j’ai détesté Des Hommes de Laurent Mauvignier. Ce livre m’a mise en colère. D’autant que sa lecture est venue juste après celle du dernier ouvrage d’Aharon Appelfeld, cette merveille d’humanité, de délicatesse, cet hymne au courage en dépit de tout, de ce désir forcené de vouloir croire que l’âme humaine vaut mieux que la boue. Des Hommes est un récit de guerre, de retour de guerre, de tentative de réadaptation à la vie civile. C’est le récit larmoyant de ces appelés qui en Algérie se sont comportés comme des bourreaux au nom de la sainte et républicaine « pacification ». Ce récit pourrait se passer au Vietnam, en Corée, en Afghanistan, en Irak. C’est Rambo dans le désert. S’il est nécessaire de montrer les affres de la guerre et ce que des hiérarchies et des politiques sans scrupule peuvent faire de la soldateque, il est beaucoup moins nécessaire de vouloir à toutes forces nous faire croire qu’être un fils de la campagne jamais sorti de son bled conduit inéluctablement à devenir un tortionnaire habilité.

La guerre d’Algérie, très à la mode des dernières années, a été l’occasion pour des auteurs divers de nous démontrer que ces pauvres soldats finalement étaient aussi des victimes. Comme les femmes, les enfants, les vieillards violés, torturés et assassinés. Qu’ils devaient faire face à leur retour aux rappels constants de leur monstruosité, à cette mémoire à long terme si merveilleusement romanesque. Pauvres hommes happés par l’histoire et forcés par une force supérieure à devenir d’abjects salauds ! Les critiques nous sommaient de considérer la formidable humanité de l’auteur dans cette fresque âpre et burnée, où les femmes sont des mères indignes, des sœurs idiotes, des épouses délaissées ou des femmes violées ! Cette « humanité » là est à vomir.

Où sont les livres sur ceux, pas nombreux, d’un courage et d’une dignité inouïe, qui ont dit NON ! Où sont leurs voix ? Qui écrit pour mettre en valeur leur force, leur HUMANITE, réelle celle –là, pas les piaillements sordides de gars qui ont choisi d’ignorer leur conscience pour être dans la norme ? Trop facile, trop moral… écrire sur des héros franchement à quoi çà sert ? La littérature n’a pas vocation à être exemplaire… Et bien si, justement. A force de donner toujours et encore la parole aux bourreaux pour qu’ils nous étalent leurs  larmoyants états d’âme, on a oublié ceux qui, contre leurs compagnons, contre leur hiérarchie, contre les politiques, contre les citoyens, ont décidé au péril de leur vie parfois, au péril de leur réputation souvent de ne pas franchir le pas, de ne pas oublier que si l’autre est un ennemi, il reste un être humain.

Oui j’ai détesté ce livre de Laurent Mauvignier, vomi cette camaraderie de chambrée, cette vulgarité sans borne, cette effroyable médiocrité et ses regrets post mortem,. Chaque page a été un calvaire. Et si je ne peux nier la qualité de l’écriture, j’ai eu toutes les peines du monde à supporter les artificialités de construction, à commencer par cette énorme ficelle : l’éclatement de la bulle de normalité par un des membres alcoolique et asocial du groupe. La littérature comme la télé sont remplis de ces vieilles ficelles et que ce soit en Algérie, au Vietnam, à Srebrenica, au Chili ou demain en Irak et à Kaboul, ces récits sont toujours les mêmes. Et d’une guerre à l’autre rien ne change, les mêmes barbares et les mêmes larmoyantes confessions !

10 réflexions sur “Laurent Mauvignier – Des hommes – les éditions de minuit – Prix des Libraires

  1. Au contraire je trouve que c’est très difficile d’écrire sur l’Histoire dans ce qu’elle a d’ « ordinaire » , sur la guerre au jour le jour, sur la médiocrité, l’insuffisance, les choses qui n’aboutissent pas, les gens qui doutent par manque de recul. C’est très courageux, et Mauvignier s’en est bien tiré.

  2. Je suis d’accord avec Dominique, pour qu’il y est des héros il faut qu’il y est des salauds. Et pour pouvoir célébrer ces plus ou moins anonymes de la Résistance au sens large, il faut avoir connaissance de ce qui a été commis. Mauvignier ne fait pas l’apologie des soldats français ni d’aucune forme de violence, il dissèque le mal que fait la guerre, non seulement sur le moment présent mais aussi plus tard. Son propos n’est pas de défendre tel ou tel mais d’exposer la souffrance de tous. Alors, c’est vrai, il n’y a pas de « héros » pour nous émouvoir (« oh, c’est extraordinaire ce qu’il a fait ! » ou « quel courage ! »), juste des Hommes. Et l’Humanité n’est pas l’humanité.

  3. Comment peut-on parler de « mode » en ce qui concerne la guerre d’Algérie? Je trouve bien au contraire que l’on n’en a pas parlé suffisamment sur le plan humain, même si le travail historique a été remarquable ces dernières années.Devrait-on attendre, comme pour le poilu de la guerre de 14-18 pour « découvrir » tout ce que les versions officielles nous ont laissé croire si longtemps, encore des décennies avant, que ne se fasse jour la vérité dans chaque « camp »;L. Mauvignier a su à travers ce roman nous faire vivre au quotidien ce que ces jeunes soldats français mais aussi ces populations algériennes ont pu endurer et surtout cette grande « indifférence » de ceux qui ne se sentaient pas directement concernés;comment nier l' »omerta » institutionnelle? Et comment avoir cette arrogance de dire qu’il aurait du y avoir des « héros »? Comme le dit si bien le titre, nous ne sommes que « des hommes »!Enfin, le style de l’auteur est particulièrement adapté à la situation et les silences ont toute leur place ici.

  4. Voilà qui change du conformisme qui se répand sur le web, mais je ne suis pas d’accord avec votre avis tant il est difficile de déceler les héros. Qu’auriez vous fait? Qui le sait?
    Voici un morceau de ce que je vais déposer sur mon blog http://blog-de-guy.blogspot.com/, vendredi prochain jour des livres chez moi.
    « Parmi les styles, il y a l’écrit, le parlé; dans ce livre une voix intérieure vous engloutit dans ses spirales. La lecture n’est pas facile mais peu importe l’identité du narrateur pour approcher de la vérité de ces paysans échoués à garder des cuves d’essence en Algérie et qui sont revenus.
    « c’est le moment où l’on regarde le drapeau dans le ciel bleu, le moment où l’on essaie de se faire croire qu’on est là pour quelque chose comme des idées, un idéal, une grandeur quelconque, un projet de civilisation comme l’explique l’une des brochures qu’il a reçues en arrivant »
    Ce n’est pas la brochure du bien et du mal : la boue de l’Ardèche et le ciel blanchâtre de l’Algérie. Les silences à se casser les dents durent des décennies, des vies entières.
    Sous l’accumulation des mots banals, nous nous approchons d’une réalité familière :
    « C’est plutôt qu’après le séjour au club Bled, oui, c’est ça, toujours de quoi rire, déjà ça, la rigolade, qu’on y aille, il avait osé ne pas revenir et n’en faire qu’à sa tête de mule et aujourd’hui voilà où on en est_ »
    Je me repens d’avoir pensé du haut de mon surplomb de petit instit’ que la littérature française était mal en point, Mauvignier est une hirondelle. Autant qu’après le drame du Heysel, le livre qu’il avait écrit, « Dans la foule », m’avait paru essentiel ; avec ce dernier ouvrage il va bien au-delà des traumatismes d’une guerre et pose pour chacun ce qui oriente un destin.
    « Je vois bien le paysage, tout blanc, enfin blanc d’un blanc grisâtre et fade comme du pain rassis, sans forme, avec des pavillons noyés dans le ciel épais et mou, et dessus les champs, les bois durs comme du marbre… »
    Il dit bien les maisons, les hommes. »

  5. Vous dites n’importe quoi, on dirait que pour vous les seuls qui ont torturés pendant cette guerre sont les français! Je suis entièrement d’accord que cette guerre était inutile et complètement stupide mais d’après ce que vous dites les jeunes français auraient choisit d’aller la bas mais en France, à cette époque il y avait le service militaire obligatoire alors arrêtez de dire n’importe quoi… Puis c’est facile de dire NON quand on est pas à l’armer

  6. Où voyez-vous dans ce texte,une apologie,encore moins un éloge des salauds?
    Votre plaidoyer pour les héros donne à croire que la littérature serait faite de bons sentiments ,mais le roman n’est pas là pour nous faire la morale,et la grille de lecture du bien et du mal évite simplement de se laisser prendre par le texte,dans sa complexité et ses ambiguités.

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  8. Ce bouquin n’est pas une « victimisation » des soldats français. C’est simplement un état des lieux, un constat. Mauvignier à vu son père se suicider en revenant de cette guerre, et pas à cause des « ennemis », mais à cause des français, ou plutôt de certains français qui, oui, on violés, torturés et assassinés. Mauvignier à justement voulut ne prendre part pour personne. Il n’a pas voulu définir de méchant ni de gentil. Il a simplement écrit le « non -dit » car les anciens soldats ne parlent pas de cette guerre, c’est un sujet plus que tabou. Il a simplement exposé la violence, et l’atrocité d’une guerre, d’un coté comme de l’autre. Et oui, le monde n’a jamais été beau et rose!

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