José Saramago – Cain – Seuil

Cain, le vilain garçon, le fratricide, l’homme aussi marqué par le mal dans la Bible que Judas dans le Nouveau Testament, pas facile de prendre ce garçon  comme héros d’une histoire. Pourtant en y regardant de plus près, on découvre que ce garçon, qui n’avait pas de raison intrinsèque de tuer son frère, si ce n’est la propagande selon laquelle, il aurait été un sale petit envieux, a peut être été le dindon de la farce et l’incarnation du refus de se soumettre à des lois absurdes, le fils de sa mère en quelque sorte. Le grand écrivain portugais n’est plus dupe, depuis longtemps, de la moralité des grands textes monothéistes, il en connait les arcanes et la violence, l’immoralité profonde et permanente. Dans Cain, son ultime livre, il invite son lecteur à un voyage aux côtés d’un Caïn humain, dans une terre et un temps martyrisés par une divinité jalouse, barbare, cruelle, manipulatrice et mesquine. Un voyage que les hommes d’aujourd’hui devraient faire plus souvent…

Tout le monde connait le folklore biblique, un truc partagé par une large part de l’humanité des bords du Jourdain au désert de Mojave et des Vladivostok à la Terre de feu. Un texte qu’on nous vend depuis  plus de cinq millénaires, comme porteur de toute morale et témoin de l’alliance entre dieu et son peuple. Les évangélistes continuent à répandre ce fatras partout où ils peuvent n’hésitant jamais à se poser en pauvres martyrs de la gloire de dieu. Mais qui a vraiment lu ce texte ? Qui est allé se plonger dans les aventures de dieu sur terre ? Comme avec le Coran, on s’aperçoit assez vite que les plus grands zélateurs, n’ont souvent du texte qu’une idée assez vague, ils n’en savent que ce que d’autres leur ont dit. Et honnêtement, il faut l’espérer, car si ceux qui défendent bec et ongles la grandeur des textes monothéistes connaissent vraiment les textes, alors nous sommes encore en pleine barbarie.

José Saramago, comme tous ceux qui ont un peu de sens commun, n’a guère trouvé d’amour, de douceur, de grâce, de force et d’intelligence dans les textes « édifiants » de la bible. Il a donc décidé de prendre comme guide, le plus réprouvé des « héros » biblique, Caïn, fils d’Adam et Eve, après la chute, frère d’Abel, Caïn, le premier écolo, déjà détesté par la terre entière, comme quoi rien ne change vraiment. Caïn, élevé dans la crainte de dieu et qui n’a jamais rien fait de mal, mais que dieu décide un jour de tenter, histoire de voir. Il aime bien ça, dieu, tendre des pièges, tester,  vérifier, histoire de voir si sa création est aussi idiote et soumise qu’il l’a voulu. Bon, avec Eve déjà, il s’est planté, dieu, comme quoi, nul n’est parfait ! Et avec Caïn, même cause, même effet, le garçon poussé à bout par un sentiment d’injustice, tue son frère.  C’est mal. Oui, c’est vrai.

Après un court entretien avec dieu, qui parlait beaucoup en ce temps-là, Caïn part sur les routes, éternel errant dans l’espace, mais aussi dans le temps. Et c’est là que réside tout le génie de ce livre, Saramago fait voyager l’œil de Caïn dans tous les grands épisodes bibliques où ils rencontrent tous les grands : Loth, Josuée, Abraham, Noé, Lilith, Noé, Moise. De Babel au premier grand holocauste, il constate toujours la même chose, dieu passe et la morale trépasse. Dieu déteste sa création, il la tourmente et la maudit dès que le jeu ne lui plait plus. Comment dans ce cas accepter que ce texte violent, barbare, où on viole, pille, tue, où les filles et les femmes sont soumises à la folie de leur père, de leur mari et des foules, où la croyance aveugle et destructrice est encensée contre la douceur et le respect de la vie, comment accepter que ce texte soit élever au rang de premier guide de moralité ? On s’étonne moins de la destinée tragique de l’humanité. Saramago ne fait que rappeler ce que nous savons tous, la Bible, le Coran et beaucoup de textes construits sur ces modèles sont une malédiction et un modèle à détruire. Vite.

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