De cette guerre enfin nommée, il reste de profondes blessures des deux côtés de la Méditerranée, de profondes cicatrices dans le tissu social français et une somme d’incompréhensions qui servent aujourd’hui de ferment à des accusations et à des erreurs d’interprétation pour ne pas parler d’interprétations fallacieuses dans les deux camps. On se sert encore des crimes commis pour accuser les uns et les autres de tous les mots ou pour jouer la propagande du eux contre nous. Et le musée qui aurait dû voir le jour du côté de Montpellier a vu sa fin signée par la nouvelle majorité…de gauche, qui craint qu’un tel musée ne réveille les vieilles haines. Oubliant de fait que les historiens rassemblés autour de ce projet avait fait le ménage des délires de grandeur de certains politiciens locaux. Bref, une guerre qu’on ne nommait pas à l’époque et qui aujourd’hui se dérobe au travail scientifique des historiens pour interroger les mémoires, toutes les mémoires et les libérer de la tension mémorielles pour les transformer en riche patrimoine partager en France et en Algérie.
Cette bande dessinée qui s’inscrit dans la série des témoignages de guerre parmi lesquels on trouve « Paroles de poilus », « Paroles de Verdun » ou « Paroles d’étoiles ». Un témoignage illustré par quelques planches. Une manière de rendre accessible au plus grand nombre la parole d’anonymes ou de gens plus connus. Dans le cas de la guerre d’Algérie, Jean-Pierre Guéno, écrivain et historien rend hommage à son père, Pierre, résistant, nommé ensuite au RG où il développait les pellicules venues d’Algérie dans lesquels il découvrit l’horreur commise par des hommes contre d’autres hommes, où il fut confronté au tragique constat que les abominations commises par les nazis se répétaient dans les rangs français et dans ceux du FLN, sur des milliers d’innocents, victime collatérales d’une guerre d’indépendance et d’une guerre de prééminence.
C’est pour saluer la mémoire de ce père, que le fils décida bien des années plus tard de réunir onze témoignages, des hommes, des femmes, des français, des algériens, tous victimes de l’arbitraire, de la barbarie et d’une tragédie humaine sans nom. Le gouvernement militaire qui avait reçu les pleins pouvoirs de la part du gouvernement français torturait des algériens, des français sympathisants du FLN, pendant que le FLN torturait et assassinait des civils français ou algériens sympathisants de l’Algérie française ou juste des sans-opinions. On torturait, on tuait des femmes, des hommes, des enfants. Le pire était commis chaque jour et culmina côté français dans les atrocités commises par l’OAS et pour les algériens dans le massacre des harkis.
Une guerre nationale, devenue guerre civile. Une guerre commencée par la France, terminée par les algériens. Une guerre dont il reste trop de zones d’ombres, de manipulations et de propagandes pour qu’enfin la paix des braves s’instaurent des deux côtés de la Méditerrannée. En cela, les témoignages rassemblés dans cette BD sont de formidables moyens d’ouvrir la discussion, d’engager le devoir de mémoire, la nécessaire pacification par la science historique. Nos pères ou nos grands-pères ont fait cette guerre, notre génération, celle de nos enfants doivent parler de paix et de reconstruction des liens.
Un ouvrage qui accompagnera toutes les mémoires et parlera à tous les hommes et femmes de bonne volonté….