Ian McEwan – Solaire – Gallimard

Après la déception ressentie à la lecture de la Plage du Chesil, je suis venue à ce nouveau McEwan avec un peu d’appréhension. Très vite dissipée, tant ce roman est enlevé, drôle, décapant et sans concession aucune ni avec les  vieux beaux, ni avec le monde scientifique, ni avec la lâcheté et la médiocrité du monde capitaliste, si prompt à se contenter du status quo pour gagner toujours plus et investir toujours moins. Ian McEwan tire à boulets rouges sur notre furieuse modernité et nous tend le miroir de nos incertitudes et de nos lâchetés dans un éclat de rire libérateur.

Michael Beard est un scientifique, prix nobel de physique, à l’égo aussi large que sa bedaine en ce début de XXIè. Grand baffreur, alcoolique mondain, pour utiliser cet euphémisme qui donne aux gens riches la tenace impression qu’ils ne sont pas comme les autres, grand amateur de femmes, surtout quand elles ont les cuisses largement ouvertes, il collectionne les mariages, les aventures et les honneurs. L’homme n’a rien pour lui et le portrait au vitriol de McEwan est tout à fait réjouissant. Sa dernière épouse, Patrice, semble décidée à lui rendre la monnaie de sa pièce. Elle s’envoie en l’air avec un maçon, vous imaginez un peu, un maçon, jeune, athlétique et avec un QI de marteau piqueur, quand on a sous la main, un petit chauve rondouillard, dont le seul QI n’est définitivement plus aussi attirant. Beard est vexé, furieux que sa trop jeune et trop charmante épouse ose lui préférer un prolo sans avenir. Mais trop faible et trop lâche, il se contente de regarder son couple se déliter.

D’autant qu’il a d’autres chats à fouetter, le gouvernement Blair, tenaillé par la menace d’une crise énergétique majeure, décide d’ouvrir la voie aux autres énergies. Pour cela, rien de mieux, puisque les scientifiques ne semblent pas capables d’accorder leurs violons, de faire appel au bon sens près de chez vous et à la bonne volonté de tous les inventeurs du dimanche dispersés dans le royaume. Avec un groupe de jeunes scientifiques, tous plus enthousiastes les uns que les autres, notre prix nobel découvre les tenants et les aboutissants du consensus sur le réchauffement climatique et les idées plus ou moins saugrenues qui se développent dans son sillon. Parmi les jeunes scientifiques, il en est un, particulièrement enthousiaste qui soumet avec acharnement son idée révolutionnaire à Beard : l’éolien c’est mignon, mais l’avenir est tout entier dans le solaire et dans la compréhension et la mise en œuvre technique du principe de photosynthèse. Une énergie sans limite et toujours disponible.

D’abord sceptique, Michael Beard finit par s’intéresser à cette histoire, d’autant plus, qu’un malheureux accident  « domestique » lui offre l’opportunité de regarder de très près les travaux du jeune scientifique. Ian McEwan poursuit les aventures de son « héros », sur une décennie, pendant laquelle la conscience écologique grandit dans les populations incitant les politiques à accorder plus de crédits aux recherches d’énergies alternatives, pendant que les grands groupes toujours en retard de quelques métros, freinent des quatre fers. Une décennie qui semble changer considérablement l’état d’esprit de notre prix nobel. Pourtant au moment où il semble enfin s’être amendé, il retombe dans son plus gros travers, l’arrogance et elle lui coutera cher celle-là. On retrouve ici, l’ombre d’une autre histoire, vraie celle-ci, celle de Larry Summers, ancien conseiller de Clinton, très en cour, patron d’Harvard, terrassé par son incapacité à comprendre que la morgue et la suffisance ne font pas la véracité d’un propos et qu’alors l’humour potache ne sert à rien. L’écrivain anglais nous dresse un portrait caustique de notre modernité où le people se glisse dans le cœur même des universités et où l’intérêt général finit toujours soumis aux intérêts particuliers. Très bon

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