La mort vous va si bien….

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Comme le précédent numéro qui présentait les écrivains face à la folie, celui-ci poursuit l’aventure avec la confrontation des hommes et femmes de lettres face à la grande camarde, l’ultime aventure. Mort héroïsée, fantasmée ou rencontre avec l’horreur et l’incompréhensible barbarie, les  écrivains ont eu maille à partir depuis toujours avec cette compagne à jamais fidèle. Pendant des siècles, la mort a fait partie intégrante de la vie de chaque homme et femme. Lettrés et paysans, poètes et princes du monde, ils se savaient mortels et ne luttaient pas contre la destinée. Le scientisme du XIX créa le mythe d’une rupture du lien tandis que les horreurs du XXè siècle sanctifiés dans l’holocauste nucléaire initiait l’illusion d’un mort sous contrôle et rejetée désormais loin de la vie. La guerre devenait le seul lieu de la mort et le triomphe des mythes nés à Vienne laissait croire que la mort n’était qu’une illusion aisément bravable par le mot. Mais la faucheuse est joueuse redoutable et alors que l’amour fleurissait sur les charniers des guerres entre les grandes illusions nées d’un humanisme prétentieux la maladie s’invita à la table de tous et de chacun, le SIDA nouveau compagnon de nombre d’écrivains permit au plus téméraires de se mettre en scène dans une agonie des mots égotiques.

Mais ce numéro est aussi celui des mots magnifiques de Pascal Quignard, la mangouste des Lettres françaises et du désespoir de Stephane Zweig et de son épouse chassée d’Europe par les bottes des barbares aryens.

Ce que la littérature sait de la mort? Guère plus que ce qu’elle sait de la vie. Mais dans l’un ou l’autre cas, c’est la littérature rend les deux supportables.

Verbatim – Pascal Quignard

« J’ai fait sept ou huit dépressions nerveuses. J’ai toujours l’inquiétude que ça revienne. La dépression consiste dans l’incapacité de se concentrer. Ne plus pouvoir lire, pour moi, c’est le signe? Un livre est un gouffre, aujourd’hui une compagnie, demain une terreur. J’ai changé la peur en stupéfaction et la stupéfaction en contemplation. Quand vous ne pouvez plus lire, quand vous entrez en dépression comme on netre dans un couvent, vous êtes enfermé dans un mot d’ordre malheureux. Ecrire est la seule façon de se rendre indémolissable à l’émotion. Il n’est pas possible que quelque chose puisse m’empêcher d’écrire. Il faut que j’aie toujours quelque chose à faire paraître. »

« Vide intérieur. C’est ce qui me permet une porisité insensée. Comme les vases communicants, avec l’air qui passe et attire le liquide. Je suis profondément un contemplatif, c’est-à-dire quelqu’un qui aime lâcher prise, qiu aime se laisser envahir, qui aime lire, qui aime s’enivrer, bien plus qu’une « personne grammaticale » qui voudrait avoir une « image individuelle ». Sur la rive où le hasard m’a fait naître, je ramasse de tout petits bouts d’existence (…) »

(Grand Entretien – Pascal Quignard – le Magazine Littéraire # 525 http://www.magazine-litteraire.com/mensuel/525/quignard-anachorete-25-10-2012-57472)

Cinéma – Skyfall

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Mon premier James Bond au cinéma est donc celui du cinquantenaire et comme beaucoup ce qui séduit d’abord c’est la chanson titre, magnifiquement interprétée par Adele, et dont les échos ténébreux disent bien la dimension mélancolique de cet opus. Les héros sont fatigués et   l’agent OO7 au service de sa majesté ne fait pas exception dans un monde où l’Angleterre n’est plus désormais qu’une puissance moyenne où les loups sortent du bois pour se dévorer entre eux.

On notera le nouveau goût des scénaristes états uniens pour les toits du Souk d’Istanbul, parcourus aux pas de course dans Taken 2ème volume (aussi niais que le premier) ou en motos (question de moyens sans doute) dans Skyfall. Daniel Craig tombe, le siège du MI6 explose, les représentants démocratiquement élus par des peuples désormais revenus de tout exposent les hommes et femmes de l’ombre et il ne reste plus aux maîtres espions qu’à se terrer dans les souterrains où le bouledogue Churchill affrontait les attaques aériennes des armées nazies.

Les deux tiers du film sont enlevés et relativement séduisants quand on aime ce genre de film. L’humour anglais semble tout de même avoir singulièrement déserté la maison espions, comme si l’épuisement touchait aux âmes même de la perle du royaume. Et c’est ainsi que le dernier tiers se déroule au coeur de la lande écossaise dans un chateau de famille déserté où les passages secrets mènent directement au royaume de dieu. Cette dernière partie est longue, trop longue et semble signer l’agonie de la saga. Mais Sam Mendès prend ses précautions et ouvrent la voie au numéro 51 en introduisant la divine Eve. Agréable mais sans génie

Cinéma – La traversée

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Certains films partent d’une bonne intention et sont des tentatives laborieuses de faire genre et de révéler le talent caché d’un amuseur de foire. Malheureusement les bonnes intentions et le labeur ne permettent pas toujours de réaliser un bon film et de transformer un clown en acteur  dramatique. Jérôme Cornuau essaie de faire un thriller psychologisant, il tente de croise que Michael Youn est un possible Jean Dujardin, mais le résultat est un film brouillon et cousu de fil blanc, dans lequel la seule à tirer son épingle du jeu est la petite disparue.

Un couple de bons bourgeois et leur adorable petite fille se rendent en vacances chez le parain de la petite sur une île écossaise. Du soleil et des paysages tendres où la petite décide de raconter ses vacances à son cher petit papa avocat resté plaider dans la capitale. Mais soudain le drame, le soleil disparait, les tendres paysages s’habillent de brume et de pluie, d’ombres et de terreur. La petite Lola disparait. Le père toujours filmé de dos en veut à sa femme, au monde et disparait à son tour pendant deux ans.

Puis le miracle, la petite a été retrouvée, elle est dans un sanatorium sur l’île écossaise. Le père se précipite, malgré la défection de sa femme, qui au matin de leur départ fugue. Les retrouvailles dans cette chambre vide aux petits lits parfaitement faits sont émouvantes et tendres, mais l’enfant ne parle plus. Commence alors une traversée des ombres et des cieux enragés. Le mystère s’épaissit avec l’entrée en scène d’une blonde électrique particulièrement collante.

Tout dans ce polar est appuyé, surligné, grossi, le symbolisme de Cornuau révèle le nouvel adepte des niaiseries psychanalytiques. Le pauvre Youn est perdu dans un rôle mal taillé pour ses petites épaules d’amuseur de foire. Et les effets de manche de la caméra subjective renforcent encore la maladresse de l’apprenti acteur.

Cinéma – Le magasin du suicide

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La crise est toujours bonne pour certains commerces et dans une ville où tous semblent avoir renoncer à la moindre joie, la Maison Tuvache a trouvé le créneau parfait. Proposer à tout un chacun le moyen rêvé pour en finir avec une vie de larmes et de désespoir. Flacons de poisons  comme autant de contenants du dernier chic, corde en chanvre ou en synthétique, poignard, pistolet, tout, le candidat au suicide trouvera tout chez Tuvache. Mais dans ce petit monde parfait de la mort tarifée un vilain petit grain de sable va venir se glisser.Madame Tuvache, glorieuse maîtresse de la vente de mort en stock, donne naissance à une odieuse petite créature qui ose, l’infâme, trouver la vie belle et sourier avec confiance aux lendemains qui déchantent. Un sérieux anti-coup de pub qui aurait en plus tendance à redonner de la joie aux amateurs de fins rapides.

Et non seulement, ce petit grandit en souriant, mais il a en plus l’audace de lever les voiles sur les petites joies du monde. Le dira-t-on jamais assez, on est toujours trahi par ses rejetons.

Le film d’animation et en chansons de Patrice Leconte est une réussite totale, le dessin sombre et cruel où les morts tombent comme feuilles d’arbres en deuil de novembre, où même les pigeons dépriment de devoir se garder des corps jetés dans les nuées et où la police dresse des procès verbaux à ceux qui osent déranger la sainte voix publique en y laissant leur cadavre désormais proscrits.  Cette famille Tuvache, version dépressive de la famille Adams, où le mirage de la naissance va faire souffler le vent de la révolte d’une vie en rage contre la crise de foi dans les lendemains qui chantent. Un film poétique et léger comme le voile qui révèle la joie de ressentir à une adolescente enfin libérée des vapeurs morbides de la mort enchanteresse. Une jolie manière de réenchanter le triste monde.